« Pour cette première représentation de l’année 2016, un auteur français est à l’honneur. L’une de ses pièces les plus fortes, Juste la fin du Monde, sera interprétée par les comédien(ne)s de La Plume et l’Etincelle. Il revient au lecteur/spectateur de se faire son propre avis sur la question, mais bien des observateurs tendent à voir en cette pièce les éléments d’une autobiographie. En effet l’auteur, Jean-Luc Lagarce, (en savoir plus sur www.lagarce.net/auteur/) n’est pas sans faire penser au personnage principal de Louis ; notamment par ce qui conduit sa vie : l’écriture, mais aussi par ses souffrances, sa solitude, l’ambiguïté de son orientation sexuelle qui peut faire référence à l’homosexualité de l’auteur. La chronologie de l’élaboration de cette pièce peut également faire réagir ceux qui pensent que rien n’arrive par hasard : ce fils, qui dans cette famille qu’il a quittée, vient annoncer sa mort prochaine n’est pas sans rappeler les difficiles dernières années de Jean-Luc Lagarce, affaibli par le virus du SIDA qui l’emportera l’année même de la parution de Juste la fin du Monde en 1995 aux éditions des Solitaires Intempestifs.

Traitant des thèmes de l’abandon, du retour, des difficultés à se comprendre et composer ensemble, il s’agira alors pour les personnages de témoigner, de juger, de pardonner, de régler leurs comptes et peut-être de faire comprendre davantage que rien n’arrive sans raison : dans cette famille comme dans bien d’autres, l’écoute d’un frère, d’un parent ou d’un enfant est sans doute l’une des choses les plus compliquées à entreprendre. C’est à travers une écriture très précise, très structurée – comme une pensée couchée à l’état brut sur le papier – que chacun tentera à sa manière de dire des choses, de dire une chose précise ; ou de fuir, de combler et d’espérer ne plus avoir à affronter. Jean-Luc Lagarce nous livre un style particulier, où la langue française dans sa quotidienneté est sublimée.

Au-delà de l’intérêt stylistique qui permet à la langue d’être l’outil principal de communication – ou de non communication –, Juste la fin du Monde permet de questionner les relations familiales via deux concepts sociologiques centraux : la violence symbolique et l’obligation affective familiale, mis en avant en particulier par Pierre Bourdieu. Si l’on peut a priori considérer les familles comme des entités « naturelles » par les liens structurels qu’elles supposent, elles sont composées en réalité de personnalités, de profils et de parcours différents, où les ententes ne vont finalement pas de soi, et où la jalousie et la dévalorisation peuvent être autant sentimentales que sociales. »